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Le militantisme chrétien : une action fondée sur la vie intérieure

    priere.jpgL'activisme sera toujours la tentation du chrétien généreux  qui,  saisissant la gravité des désordres qui troublent le monde, se hâtera d’y « faire quelque chose ». Il y perdra beaucoup d’énergies, beaucoup d’illusions peut-être aussi, beaucoup de fruits assurément, et de sagesse encore.

L’Ecriture nous avertit pourtant, avec ses images très fortes, qu’en tentant d’édifier quelque chose - quoi que ce soit - sans que Dieu en soit le fondement en soi-même, on bâtit « en vain », on construit « sur du sable ».

L’équilibre entre l’action sur soi-même et l’action sur les autres est difficile. Il n’en est pas moins nécessaire. Au reste, l’œuvre est d’une telle ampleur ! Peut-on sérieusement penser qu’il puisse rien être durablement changé des « structures de péché » de ce monde sans que Dieu même y mette la main, fût-ce par nous ?

En vérité, à y regarder de près, chacun de nous est partie du problème que son regard affronte. Il en est ainsi pour la vie de la cité comme pour celle de l’Eglise, où d’aucuns sont prompts à penser que les difficultés ne viennent toujours que des autres – ceux qui n’ont pas tout compris, ceux qui sont aveugles, ceux qui sont pécheurs. Ici et là, quoi qu’on en ait, nous contribuons à des degrés divers, par nos modes de pensée, par nos modes de vie, aux déclins sur lesquels nous soupirons. Nous en respirons l’air, et il est bien des occasions où nous le trouvons à nos goûts avant de le réinsuffler dans l’atmosphère de tous par nos comportements.

Critiquer la société de consommation ne nous dissuade pas d’être consumériste, non plus que la critique du relativisme, de l’individualisme ou de l’idéologie ne nous écarte tout à fait de céder à l’occasion aux accommodements de conscience, aux résolutions égoïstes ou à l’idéalisme. La vie professionnelle, en particulier, en est un révélateur de premier ordre. Mais cela s’observe partout, jusque, d’ailleurs, dans la critique même de l’idéologie, de l’individualisme ou du relativisme !

C’est ainsi. De sorte que c’est bien de conversion qu’il faut toujours parler. Une conversion qui atteigne les yeux, l’esprit, le cœur et les mœurs. Une conversion à remettre toujours en chantier si celui-ci est un jour abandonné. Quand on parle de “conversion”, on évoque un demi-tour. On tourne les talons ; on repart dans une autre direction – la bonne. C’est un peu frustrant, évidemment, de se dire qu’on passe son temps à marcher à l’envers, comme si notre nombril était perpétuellement aimanté dans la mauvaise direction, mais il faut s’y faire. Ça s’appelle l’inclinaison au péché, ce que les théologiens appellent « la loi de péché », comme il y a une loi de l’emmerdement maximum qui porte toute tartine beurrée qui tombe à s’aplatir sur le mauvais côté.

Alors il faut l’assumer, pour soi et pour les autres. Le péché originel et ses effets est une donnée première et essentielle de toute analyse politique sérieuse. Il est inscrit dans le monde, comme loi, et il faut compter avec lui, comme poids. C’est dire que tout ne se résout pas – ne peut pas se résoudre – en actions, en programmes, en discours, en écritures, en agitations. Il faut à ce péché un adversaire qui soit à sa taille, et qui soit d’abord présent, sur son terrain. Cet adversaire, c’est le chrétien digne de ce nom, le chrétien sinon sans fracture du moins sans division, qui tend au moins à l’unité de sa foi et de sa vie.

Cette tension est impossible sans une vie intérieure, sans une vie de prière, puisque c’est elle seule qui dispose le chrétien à ce que cet équilibre soit réalisé en lui par la grâce. Voici ce qu’en disait un connaisseur, Dom Romain Banquet, O.S.B., alors Père Abbé d’En-Calcat, dans un ouvrage intitulé « Entretiens sur la vie intérieure », paru en 1945 :

« Il importe de nous bien convaincre de cet aspect de la vie intérieure : sa souveraineté, parce que nous sommes à une époque où non seulement les vérités sont diminuées (Ps. XI,2), mais où l’ordre que les vérités doivent garder entre elles est renversé. Certes, il faut agir, c’est incontestable, nos puissances doivent se développer librement ; mais, à l’heure actuelle, on met le secondaire avant le principal, on ne reconnaît plus la nécessité de cette souveraineté de la vie intérieure. L’aspect général que présente trop souvent aujourd’hui l’Eglise militante est un état de prédominance du mouvement extérieur sur tout ce qui est intérieur ; il y a comme une conspiration pour rejeter à l’arrière-plan la vie intérieure. Impossible de respirer l’air d’un siècle imprégné d’erreurs si générales sans en souffrir » (p. 28).

Au nombre de ces erreurs figure, précisément, celle qui vient nous persuader que le temps apporté à cette vie intérieure est perdu pour le reste. « La prière, la méditation, tout cela est très bien, mais ce n’est pas concret ! C’est loin de la réalité ! » Illusions que tout cela. Le cardinal Journet aimait à rappeler que, dans le monde des créatures, rien n'est plus dense qu'un ange. Comment s'en étonner ? L'être s'identifie au vrai. Là où est le vrai, là est l'être et une vie conformée à la grâce est nécessairement plus réelle que tout obstacle auquel elle peut être affrontée. Rien de plus vrai, rien de plus adapté au réel, à la fois pécheur et racheté, que l'homme intérieur, qui vit proche de l'Etre même.
« Dieu est conséquent avec Lui-même : a-t-il établi l’ordre surnaturel pour troubler l’ordre naturel ? Pas le moins du monde : Il l’a établi pour relever l’ordre naturel et pour le pénétrer de bénédictions plus abondantes » (p. 30).

Salutaire leçon pour chacun de nous en ce temps de l’Avent où l’Eglise, une fois encore, nous invite maternellement à la conversion, en l’attente de Noël, et à une incessante mission en ce monde : « « Les laïcs ont dans la société une grande mission à remplir : ils sont la présence de l'Evangile au cœur du monde. Ils apportent la lumière, le sel, le levain de l'Evangile partout où ils se trouvent » (cardinal Scherer).

Notre-Dame de la prière, convertissez-nous !
 
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J
c'est vrai qu'on a souvent tendance à oublier qu'on doit se réformer aussi soi-même quand on se lance dans l'action. Merci de nous le rappeler !!
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O
très beau et juste. merci.
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