8 Janvier 2008
Aller Paris-Lyon.- Nous sommes encore en gare. Comme tout un chacun, je m’installe, la veste ici, le livre là. Bien content d’être assis après cette course qui m’a fait douter d’arriver à l’heure, je respire. Soudain, un cri. Un cri de fillette. « Maman ! » Alarme dans le carré d’à côté. Apparemment, un drame vient de se produire. Un petit drame cependant. Voici que la maman en question, qui accompagne ses deux enfants, assez agitée, vient de buter dans une bouteille de lait qu’elle avait posée, débouchée, sur le plancher du train. Une mare de lait s’est répandue sur la moquette épaisse. Voilà qui augure bien du voyage et de ses conditions olfactives… Mais la maman reprend bien vite la situation en mains. Pour faire quoi, pour dire quoi ? Pour se précipiter afin de limiter les dégâts ? Que nenni. Très sereine, elle apaise ses fillettes : « Ne vous inquiétez pas : ce n’est que du lait ». Autrement dit, ce n'est pas grave, ça ne coûte rien.
Retour Lyon-Paris.- Nous sommes, cette fois encore, en gare. Rien qui doive vous surprendre : après tout, un train est fait pour ça. Or voici que le chauffeur du train prend la parole. D’un ton solennel, il annonce que ce dernier aura probablement entre une heure et une heure trente de retard. Motif : une personne s’est suicidée en se jetant sous un train précédent. Il faudra donc prendre un temps une autre voie, à moindre vitesse. Après avoir répété trois fois que la S.N.C.F. s’excusait et qu’elle n’était pas cause de ce retard [sous-entendu : vous pourrez toujours vous brosser pour un remboursement], la voix s’éteint. La sarabande des portables commence alors. « Allo ? Ouais, c’est moi. On va avoir du retard. Ouais. Une heure et demie. La barbe. Non, un type (pourquoi un type ?) s’est suicidé. P….., m…., j’srai en retard ». Au milieu des soupirs des uns et des autres, ce message est répété, avec ses variantes plus ou moins fleuries, cinq, six fois autour de moi, avec les mêmes jérémiades. Pendant ce temps, là-bas, très loin devant, un corps éclaté, disloqué, sans vie, est éparpillé sur la voie. Un homme, une femme, un adolescent ? Une famille qui l’attend peut-être aussi, en vain, ou qui sait, déjà, dans l’explosion de sa douleur, qu’il ne faut plus compter, elle, sur un retard.