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Euthanasie : une émission sur Chantal Sébire

 

La chaîne de télévision M6 a diffusé, hier soir, une longue émission consacrée à Chantal Sébire, dont le nom est désormais associé à la lutte de ceux qui entendent obtenir du Parlement le vote d'une loi autorisant l'euthanasie dite “active”. Pendant plusieurs jours, les journalistes l’ont accompagnée, caméra à l’épaule et micro au point, avant et après la demande d’autorisation de “mort assistée” qu’elle a vainement présentée devant le président du tribunal de grande instance de Dijon.


Dire que cette émission était poignante est peu dire. Quelles que soient nos propres positions, on ne peut être insensible à une souffrance si poignante, si intense, si désespérée. Le médecin qui l’a soignée a confié que sa propre analyse sur l’euthanasie avait été modifiée par sa fréquentation de la malade.


L’émission était honnête, en ce sens qu’elle a recueilli des appréciations critiques sur le choix de Chantal Sébire, celle d’un médecin dirigeant un centre de soins palliatifs, qui a souligné, indigné, qu’on ne pouvait demander à un médecin de donner la mort ; celle surtout de la propre fille de Chantal Sébire, intelligente en ses nuances, qui a rappelé que sa mère avait sciemment entendu médiatiser sa situation et qu’elle avait refusé de recourir à des soins palliatifs – circonstance fort importante que les tenants de l’euthanasie et de la cause de Chantal Sébire se sont gardés de prendre en compte.


Mais quels contrepoids représentent ces analyses à côté du choc si brutal des images de ce visage défiguré, de ces gémissements apparemment sans écho, de ce corps épuisé, de ces appels désespérés à la souffrance des autres, de ceux qui ne l’écoutaient pas, pour qu’ils « crèvent de douleur » afin de comprendre à leur tour, de ces appels touchants, aussi, à l’amour ?


On ne peut ainsi se garder de cette idée : cette émission, en réalité, paraît bien avoir eu pour objet de faire basculer enfin ceux qui l’ont regardée dans le camp "de ceux qui comprennent", "de ceux qui compatissent", "de ceux qui aiment". Bref de ceux qui sont humains, de ceux qui militent activement pour ce prétendu droit de décider de sa propre mort, comme Mme Humbert, intervenant dans cette émission comme quelqu’un ayant autorité puisqu’elle a mis à mort son propre fils sur sa demande, avant d’en être acquittée par les tribunaux. Après tout, pourquoi laisser ainsi souffrir ? Pourquoi ne pas donner aux malades la miséricorde de la mort qu’ils réclament et que la société leur refuse ?


Sous ce rapport, cette émission établit parfaitement la problématique de l’euthanasie. Elle offre exclusivement le tableau d’une souffrance sans alternative palliative, a priori exclue comme solution possible, d'une vie définitivement privée de sens, de l’horreur d’une vie abîmée dans la souffrance sans ouverture aucune, sans espérance, sans clé rédemptrice, et d’une mort sans avenir, close sur elle-même, comme un éteignoir posé enfin sur une flamme devenue à la fois inutile et trop brûlante.


Cette problématique est supposée être la seule humaine. Si vous ne la partagez pas, c'est que vous n'avez pas de coeur. Elle est supposée être aussi la seule réelle, la seule possible. Et pour la sceller dans cet état, pour lui refuser de glisser sous d'autres lumières qui pourraient la contrarier, on en appelle à l'amour, à la miséricorde, à la bonté, à la pitié, comme pour dire : "vous voyez, dans cet acte de mort volontairement donné se réalise tout ce qu'il y a de plus haut en l'homme. Il n'est pas besoin d'aller chercher ailleurs des vertus qui ne peuvent tenir ce qu'elles promettent, et qui ne tendent qu'à faire subir encore, et encore, des souffrances indignes de l'homme".


Dans le fond, la problématique de l'euthanasie est une posture théologique. Elle présuppose la perception d'un monde en lequel se résorbe la vie, sans rédemption, sans issue possible. Un quelque chose qui ressemble finalement à l'Enfer et auquel il ne serait possible d'échapper que par l'anéantissement de soi-même.

 


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