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La déclaration de M. Juncker, à propos du refus opposé par le Grand Duc du Luxembourg à l'euthanasie

La déclaration du Premier ministre, M. Juncker, a été faite en luxembourgeois.

Cette traduction, qui est donnée sur le site officiel du gouvernement luxembourgeois,

n'a pas de valeur officielle.


On observera, dans ce discours, les points suivants.

M. Junchers oppose la "pratique constitutionnelle", qui n'autoriserait pas la résistance du Grand Duc du Luxembourg, à la loi constitutionnelle, qui paraît la lui permettre. La pratique doit l'emporter sur la loi, sans considération de la validité de cette dernière.

Pourquoi la pratique doit-elle l'emporter sur la norme  - fût-elle ici constitutionnelle ? Parce qu'elle est, en l'occurrence, celle d'une majorité parlementaire éventuelle sur le sujet débattu. Cette majorité, portée par l'Opinion du moment, est la "suprema lex", y compris dans le domaine de la moralité, en ce sens que cette majorité a la faculté de vider le débat public de toute référence à une loi morale supérieure, et de réduire arbitrairement la capacité normative de cette dernière au seul champ de la conscience individuelle. C'est à elle qu'est renvoyé le Grand Duc, comme on congédie poliment mais fermement un importun que l'on reconduit à la porte par le bras.

Car l'idéologie moderne ne se borne pas à soutenir que ses lois n'ont pas besoin, ou ne sont pas régies par des lois supérieures; elle s'octroie, par un arbitraire total, le pouvoir insensé de décider de leur portée et de la réduire. Et cette subversion de l'ordre de la loi positive à la loi naturelle est présentée comme allant de soi entre gens raisonnables.

Suprême touche de ce renversement : celui-ci est donné comme une exigence évidente de la paix. Une “paix” elle aussi réinventée, comme la loi, sans référence à un autre ordre qu'à celui du bon vouloir toujours arbitaire, instable, aléatoire des majorités, en méconnaissance des exigences de la dignité de la personne humaine, de ses droits fondamentaux et de leur rapport transcendental au vrai et au bien, qui n'entrent pas et ne doivent pas entrer dans la composition du droit. La “crise” serait de s'attacher à ces derniers, pas de les sacrifier. C'est toujours la même logique suicidaire qui est à l'oeuvre, celle des abandons successifs et de la politique du chien crevé au fil de l'eau.

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Mesdames, Messieurs,

Lors de mes entretiens réguliers avec le Grand-Duc, celui-ci m’a informé il y a quelques mois qu’il ne se voyait pas à même, si une loi sur l’euthanasie était votée, de sanctionner et de promulguer cette loi.

J’ai dit au Grand-Duc, il y a des mois de cela et également ces derniers jours, que je ne pensais pas que, sur base de notre pratique constitutionnelle, il puisse s’opposer à la volonté d’un parlement élu.

Le gouvernement dans son ensemble a partagé le point de vue que je lui ai présenté vendredi dernier.

J’ai prié le Grand-Duc de rencontrer les chefs des groupes parlementaires dans la journée d’hier, pour qu’il communique aux chefs des groupes parlementaires son opinion, son intention et sa détermination. Le Grand-Duc a vu hier les chefs des groupes parlementaires et les en a informés.

Il n’est pas dans les habitudes du ministre d’Etat – dont la tâche première consiste, dans la pratique constitutionnelle, à appuyer le Grand-Duc quand il prend une décision – de rapporter ses entretiens avec le Grand-Duc.

Si je le fais aujourd’hui, c’est uniquement parce que nous nous trouvons dans une situation exceptionnelle.

J’ai le plus grand respect pour le Grand-Duc, je trouve qu’il fait bien son travail au service du pays. Mais dans le cas présent, le gouvernement et moi-même sommes en grave désaccord avec le Grand-Duc au cas où, si la loi était votée, il ne ferait pas entrer cette loi en vigueur. Le désaccord serait si grave que je ne peux cacher ce désaccord au pays.

Nous vivons à une époque qui se caractérise par son extrême gravité. Nous avons affaire à une grande crise financière et à une grande crise économique, qui concentre la meilleure énergie du pays et qui doit nous unir pour sortir le pays de cette crise, autant que possible sans dommages.

Pour cela, il nous a semblé que nous ne pouvions ajouter une crise institutionnelle à la crise existante, qui est d’une extrême gravité.

Pour respecter la liberté de conscience du Grand-Duc, et l’opinion du Grand-Duc mérite le même respect que l’opinion de tout un chacun, nous sommes parvenus à un accord commun avec le Grand-Duc et les chefs des groupes parlementaires: nous devons procéder à une modification de la Constitution, qui consiste à ce que le Grand-Duc continue à promulguer les lois à l’avenir en tant que chef du pouvoir exécutif, mais qu’il n’aura plus besoin de les sanctionner en tant qu’élément du pouvoir législatif, car dans le terme "sanctionner" est inclus bien évidemment le mot "approuver".

Etant donné que le Grand-Duc ne peut pas approuver le contenu de cette loi si jamais elle était votée, que nous voulons éviter une crise institutionnelle tout en laissant au Grand-Duc le droit à la liberté d’opinion et de conscience, nous biffons de l’article 34 de la Constitution le terme qui dit que le Grand-Duc doit sanctionner les lois. Mais le Grand-Duc continuera à promulguer les lois, ce qui signifie qu’il les fera techniquement entrer en vigueur, si je puis m’exprimer ainsi.

J’ai conféré sur ce point avec le ministre Frieden, ministre de la Justice et de ce fait directement en charge des questions constitutionnelles, et avec les chefs des groupes parlementaires. Ce que je viens de vous dire reflète l’opinion de toutes les forces politiques représentées à la Chambre des députés.

Je déplore d’avoir été obligé d’en arriver là, mais si l’on veut éviter une crise institutionnelle, il n’y a pas d’autre possibilité que celle d’une réforme constitutionnelle. Il y sera procédé au plus vite.

Le vote sur la proposition de loi sur l’euthanasie aura lieu, et avant cela, il y aura une réforme constitutionnelle qui nous permettra d’éviter une crise institutionnelle.

Je vous remercie.

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B
Un seul mot au sujet de votre commentaire. Superbe, et terrible, hélas, d'exactitude.Tenons bon.
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