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Le salaire de M. Sarkozy ou l'inflationnisme élyséen

    Le premier ministre, il y a quelque temps, avait provoqué une petite tempête dans lebourse.gif lavabo médiatico-politique, en affirmant que la France était en faillite. En réalité, de cela, bien des gens sérieux étaient convaincus depuis longtemps. Mais l’ouvrage de déconstruction politique passant par une contestation permanente, y compris des analyses qui conduisent à la constater, il fallait bien que ce constat fût contesté. Contesté ou pas, il était fondé. Ce n’est non plus un secret pour personne – à part l'inénarable M. Balkany – que ce pays essoufflé compte un nombre considérable de pauvres. La campagne électorale a révélé que pratiquement la moitié des Français vivaient au SMIC. Plus récemment, il a été manifesté qu’un tiers environ de la population de ce pays aurait connu ou connaissait la pauvreté, et que 80 % des personnes interrogées estimaient que cette dernière ne serait pas réduite dans les années à venir [Ici].

Il y aurait beaucoup à gloser sur la faillite évoquée, qui déborde les aspects financiers : faillite éducative, faillite morale, faillite démocratique, faillite d’humanité même. C’est pourtant en ces mêmes heureuses circonstances que les Français sont invités, par les dirigeants qui ont constaté la faillite financière susdite et travaillent à la suppression de régimes spéciaux jugés inacceptables, à prendre acte de ce que le budget de l’Elysée devait être multiplié par trois et la rémunération du président de la République par deux. Rien de moins.

    Pour mémoire, on rappellera que le budget officiel de l’Elysée, en 2007, est de 31.783.000 euros. De mauvaises langues affirment qu’il serait, en réalité, trois fois supérieur. Il a en tout cas été multiplié par neuf entre 1995 et 2007, sous la présidence dispendieuse de M. Chirac, lequel avait pourtant promis, en janvier 1995, qu’il assurerait « une présidence modeste » [sic ! Ce seul mot eut dû provoquer une révolution anticipatrice!]. Soit une augmentation de 798 % des dépenses par rapport à celles qui étaient engagées à son arrivée au pouvoir.

Ce budget devrait donc passer à environ 100 millions d’euros. Ce gonflement substantiel est expliqué par un transfert vers l’Elysée de la rémunération de très nombreux personnels (environ 800 personnes : militaires, policiers, standardistes, etc.), jusque-ici rémunérés par d’autres entreprises ou ministères. Autrement dit, il ne s’agirait que d’une opération purement comptable de rationalisation, qui devrait être compensée par des réductions des crédits accordés à cette fin aux ministères qui en assument encore la charge. Soit. Il faudra pourtant être convainquant pour expliquer pareil gonflement d'un budget élyséen dont la disposition est sans contrôle et sur lequel est prélevée, ô surprise, la rémunération du chef de l’Etat, avec des écarts évidemment inconnus.

    La question de celle-ci est plus délicate encore que celle du budget dont elle est issue. Pour camper le décor, rappelons que M. Sarkozy, qui réclame la petite augmentation qui nous occupe, s’est opposé à ce que le SMIC soit augmenté en juillet dernier et que son gouvernement a récemment opté pour une charge supplémentaire des frais médicaux des Français. Sur le premier point, le refus était évidemment raisonnable : que voulez-vous donc qu'un pauvre fasse avec de l'argent ? Quant au second, il n'appelle pas de réponse particulière puisqu'il ne soulève pas de question. Il est dans le rythme démocratique normal de notre pays que les Français, de longtemps rompus à cet exercice, financent "citoyennement", par leur travail et le rognement de leur pouvoir d'achat, et toujours plus, la gabegie irresponsable d'un Etat qui ne semble s'intéresser au problème que pour en pondre des rapports.

Quelque ironie qu'on en puisse tirer, cette situation ne rend que plus insolente la revendication salariale du chef de l'Etat. D'autant que M. Sarkozy s’était montré fort critique à l'égard de la fièvre dépensière, voire parasitaire, de son prédécesseur, au point de le railler en disant qu’il démontait les poignées de portes en or de l’Elysée. Il nous paraît, au minimum, légitime de s’interroger sur l’opportunité de sa demande présente, qui va augmenter d’un coup sa rémunération [101.488 euros annuels bruts actuellement] de… 140 % ! On invoque, pour la justifier, un alignement sur la rémunération de chefs d’Etats étrangers et, en interne, sur celle du chef du gouvernement, il est vrai, survalorisée par rapport à celle du chef de l’Etat.

    Ces arguments paraissent tout à fait vains en l'état de la conjoncture. Est-on dans la nécessité de faire jouer cette sorte de principe de non-discrimination européen : "à travail présidentiel égal, salaire égal" ? La question elle-même est sotte. En outre, est-il judicieux, quand on suggère qu’un premier ministre ne sert finalement pas à grand-chose et que d’aucuns s’interrogent sur les raisons mêmes de son existence, de s’aligner sur sa rémunération plutôt que de réduire cette dernière ? Vains sont encore les arguments invoqués au regard d’un budget qui a été adopté, rappelons-le, sur le fondement de la réduction des dépenses publiques, et au regard d’un déficit budgétaire estimé aujourd’hui à 41,787 milliards d'euros et qui grève l'avenir de nos enfants et petits-enfants…

        Ce n'est pas seulement de vanité qu'il faut parler, mais d'indécence, dès lors que l'on s’accorde à reconnaître en cette rémunération une sorte « d’argent de poche présidentiel ». En effet, le locataire de l’Elysée n’a aucune charge particulière : ni pour son logement, ni pour ses déplacements, ni pour son habillement, ni pour sa nourriture ou celle de ses favoris (ah, les fameux "frais de bouche", si nécessaires à la clairvoyance politique !), ni pour ses loisirs, ni pour le personnel surabondament mis à sa disposition, pour ne citer que ces seuls postes, tout à fait substantiels pourtant. On ne voit dès lors pas ce qui peut justifier l'augmentation réclamée, si ce n'est une prétentieuse volonté de n'être pas (trop) en-deçà de ce que perçoit Mme Merckel. A moins que, plus trivialement, ce ne soit un simple souci d'enrichissement, fort éloigné de celui d'un service de l'Etat. A cet égard, il est loin le temps où un général De Gaulle tenait à honneur d'assumer, dit-on, ses dépenses d’électricité, d'habillement et les frais de réception de ses invités personnels…M. Sarkozy serait-il, déjà, en voie de chiraquisation galopante ? Quelqu'un suggérait, sur le net, que s'il ne restait plus de poignées aux portes après le vol de sauterelle de la précédente présidentielle, le nouvel Elu pourrait bien être disposé à emporter les portes...

        Le dernier mot devant cependant toujours rester à la bonté, qui devient en la matière rêve et fantaisie, nous nous résoudrons à cette suggestion que me fait Paulus, mon nain de jardin :
« Puisque M. Sarkozy n'a aucunement besoin de cet argent, toutes ses gâteries et aisances lui étant déjà gracieusement offertes, serait-il inconcevable de penser qu'il cherche à en obtenir davantage pour le distribuer aux pauvres ? ». Comme disait saint Thomas d'Aquin à qui lui demandait un jour s'il y aurait des banderolles dans le ciel, comme dans les tableaux : « Il n'est pas interdit de le penser ».


        Plus sérieusement : y aura-t-il, dans la majorité présidentielle, des députés qui auront assez de coeur pour s'opposer à ce qui ressemble fort à une farce ?

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J
vous ne vous trompez pas de blog? non une question comme ça part hasard. Gaudeamus in Domino.
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L
Cher Jean-Michel : nous tromper de blog ? Heu... non, attendez... non, non : c'est bien celui-là. Mais pourquoi posez-vous cette question ?