27 Mars 2008
Comme nous l'annoncions hier, M. Léonetti et plus d'une centaine d'autres députés ont proposé hier de réformer les dispositions de la loi de 2004 sur la journée dite "de solidarité". Leur proposition, que nous avons présentée, a été adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture. Il y a lieu de s'en féliciter.
Nous en profitons ici, sollicités par l'un de nos lecteurs, pour souligner que cette proposition n'a pas été présentée simplement parce que les fonctionnaires de l'Education nationale, identifiés contre toute justice à une caste de paresseux, n'ont pas appliqué la loi précédente. En réalité, ce n'est pas une catégorie professionnelle qui a posé problème, mais le système légal lui-même.
Comme les députés l'ont constaté à cette occasion, le choix systématique du lundi de la Pentecôte s'est également heurté à la résistance des familles, dont beaucoup ne mettaient pas leurs enfants en classe ce jour-là, ainsi qu'à celle des salariés eux-mêmes puisque que 56% seulement d'entre eux y ont travaillé. C'est dire que l'absentéisme était égal dans le secteur privé et dans le secteur public. Les députés ont également constaté qu'imposer ce jour avait provoqué de nombreux effets pervers, en particulier une baisse d'activité de 20 à 40 % dans l'hôtellerie-restauration, ce qui est tout à fait considérable, ainsi que la remise en cause de milliers de manifestations traditionnelles en France.
Certains jugent ce dernier aspect tout à fait négligeable. Ils ont manifestement tort. La vie associative constitue un maillage très important et très utile de la société française. Selon les constatations de l'INSEE, la France comptait, en 2002, plus de 21 millions de personnes membres d'une association. En 2007, cela représentait un budget cumulé de 59 milliards d'euros - excusez du peu - et un volume d'emploi à plein temps de plus d'un million de personnes, pour plus d'un million d'associations exerçant dans des domaines aussi divers que l'action humanitaire, l'action sociale, la défense des droits, l'éducation, les sports, la culture, les loisirs, l'économie ou le développement local. Outre leur aspect économique indéniable, ces associations tissent des réseaux humains de solidarité, de convivialité et de cohésion sociale irremplaçables. Il est dès lors pour le moins paradoxal de considérer qu'il soit pensable, voire indispensable d'en bouleverser l'activité au nom de... la solidarité !
Le lien entre ces associations et le week-end de la Pentecôte n'a pas été inventé pour agacer ceux qui sont soudain devenus, allez savoir pourquoi, des inconditionnels du travail le lundi de la Pentecôte, après n'avoir longtemps jamais pensé que l'on pût travailler ce jour-là. Il est fort ancien. La fête, par exemple, de la Batellerie du Tarn, à Moissac, date de cinq siècles. Beaucoup de ces associations trouvent avantage à profiter, pour leurs activités, d'une période de trois jours cumulés, renouvelée chaque année, qui n'a pas d'équivalent, à notre connaissance, en dehors du lundi de Pâques. Par son cumul même, cette période est aussi une période familiale. Sous ce rapport encore il est paradoxal de la bousculer au nom de la solidarité.
Enfin, les tenants du maintien du lundi de Pentecôté travaillé, s'il sont catholiques, prennent argument de ce que ce jour n'est pas une fête religieuse. Ils omettent cependant ce "détail" : c'est que depuis fort longtemps ce lundi de Pentecôte est néanmoins l'occasion choisie de nombreuses fêtes religieuses, en particulier de "Fraternités" ou de pèlerinages qui regroupent des dizaines de milliers de catholiques de tous âges, partout en France, pour des cérémonies qui sont directement liées à la fête de la Pentecôte elle-même, et, de ce fait, non transposables à une autre date. Le choix du lundi de Pentecôte - dont il faut rappeler, pour la petite histoire, qu'il avait été fait sans que les évêques aient été seulement consultés - a ainsi profondément perturbé la vie de l'Eglise, comme l'avait souligné en son temps Mgr Lalanne, ce qui est tout de même difficile à justifier.
Ainsi, comme on peut le constater, les résistances au lundi de la Pentecôte travaillé sont loin de se résumer à des raideurs de fonctionnaires paresseux. Beaucoup de catholiques s'y sont opposés courageusement parce qu'ils ont vu, à raison, que la loi de 2004 introduisait une nouvelle brèche dans l'expression collective de leur foi.
Il est heureux que le bon sens l'ait enfin emporté à l'Assemblée nationale. Reste au Sénat à confirmer cette évolution.