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Polemick-City (suite) : Mme Mignon, M. Sarkozy et les sectes

Polémiques, suite.- Après l’affaire Bruni, après l’affaire de la mémoire, vient celle des sectes. Cette fois, ce n’est pas M. Sarkozy qui en est l’origine, mais Mme Emmanuelle Mignon, proche collaboratrice du Président, du moins est-il supposé en être ainsi.

Selon l’hebdomadaire VSD, en effet :

« En France, les sectes sont un non-problème », a déclaré Emmanuelle Mignon, la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, dans une interview à VSD [numéro du 20-26 février]. Sollicitée dans le cadre d’un article intitulé “Scientologie : la secte américaine vise la respectabilité. Pourquoi la France laisse faire”, Emmanuelle Mignon affirme : « Quant à la scientologie, je ne les connais pas, mais on peut s’interroger. Ou bien c’est une dangereuse organisation et on l’interdit, ou alors ils ne représentent pas une menace particulière pour l’ordre public et ils ont le droit d’exister en paix ».

Dès la parution de l’article ce 20 février, ces propos ont suscité une série de réactions. L’intéressée par le biais d’un communiqué de l’Elysée a démenti avoir fait de telles déclarations, assurant « n’avoir jamais tenu les propos qui (lui) sont prêtés par l’hebdomadaire VSD ». « Interrogée de manière informelle sur les positions du président de la République, j’ai rappelé la position constante de Nicolas Sarkozy sur ce sujet », a-t-elle ajouté. Pour sa part, VSD maintient, dans un communiqué, les informations publiées : « M. Emmanuel Fansten, journaliste à VSD, a rencontré Mme Emmanuelle Mignon à son bureau de l’Élysée le mercredi 6 février, de 11 heures 15 à 12 heures. La rédaction de VSD confirme que les propos cités dans l’entretien ont bien été tenus dans le cadre de ce rendez-vous ».

 
Selon VSD, Mme Mignon affirmait aussi, dans le même entretien, que la liste officielle des sectes, établie par le rapport parlementaire de 1995, était « scandaleuse ». Le pense-t-elle ou ne le pense-t-elle pas, son démenti ne permet pas de le dire. Il est vrai que dans cette longue liste de près de 180 groupes figurait, à côté de la “Science du mental”, de la “Lumière du Maat”, de “l’Ordre du Graal ardent” ou de “l’Université spirituelle internationale des Brahma Kumaris”, l’association Travail-Famille-Propriété (T.F.P.), pourtant notamment soutenue par le cardinal Medina Estevez, après avoir été soutenue en leur temps – excusez du peu – par le cardinal Oddi, le cardinal Ciappi et un certain Jean-Baptiste Montini, futur pape Paul VI.

Observons cependant que lorsque la presse évoque ce « scandale » de Mme Mignon, elle ajoute immédiatement que l’Eglise de Scientologie fait partie de la liste en question. Cela permet de sous-entendre, à peu de frais, que Mme Mignon trouverait scandaleuse que cette “Eglise” y figure. On appréciera le procédé. Au sujet de l’Eglise de scientologie, précisément, l’affirmation qui lui est prêtée, selon laquelle elle ne la connaîtrait pas mais qu’on peut s’interroger à son sujet, à supposer qu’elle soit vraie, serait pour le moins surprenante quand on sait que le Rapport 2006 de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) cite cette secte plus de 100 fois et en analyse en exemple les modes de fonctionnement. Evidemment, les journalistes, qui ont des oreilles faites pour ça, sentent la puce la leur gratouiller à ce sujet, non sans raison, au souvenir de l’accueil bruyant et franchement indécent qu’avait réservé M. Sarkozy, ès qualités de ministre des finances, à Tom Cruise, l’un des apôtres planétaires de cette scientologie.

Quoi qu’il en soit, le Président Sarkozy a lui-même mis un terme à ce débat (il va falloir maintenant trouver autre chose…) en affirmant qu’il était partisan de « la plus grande fermeté » vis-à-vis des sectes, en indiquant que « les activités sectaires » sont « inacceptables, inadmissibles », que la Miviludes devait faire son travail et que c’était à elle, en particulier, de déterminer si l’Eglise de Scientologie est ou non une secte – ce que le Rapport parlementaire de 1995 a déjà fait, rappelons-le.

Exit
, donc, la polémique. Reste le problème, qui n’est pas simple. Car le rôle de l’Etat en la matière n’est pas clair. On ne résout rien si l’on dit que le principe est celui de la liberté de pensée et de croyance et que le problème n’intéresse l’Etat que s’il y a trouble à l’ordre public. En effet, à partir de quel moment ce trouble existe-t-il en la matière ? Et comment le déterminer dans ce cas particulier ? Uniquement lorsqu’il y a plainte, et qu’ainsi entre dans la sphère publique ce que ne ressortait jusque-là que de la sphère privée, avec cette difficulté que la loi n’atteint alors que les dérives pénales du phénomène sectaire ? Le problème même de la secte est qu’elle vit généralement en retrait, en tout cas en tant que telle. Elle se garde d’investir visiblement le domaine public, elle cultive le secret, de sorte que le mécanisme sectaire lui-même, qui fait par principe violence aux personnes, demeure hors d’atteinte tant qu’un éclat ne le pénalise pas dans un événement déterminé.

C’est pourtant la ligne minimale suivie par les pouvoirs publics, parce qu’elle est jugée être celle qui présente le moins de risques pour l’équilibre des libertés publiques. De fait, il n’existe ni définition légale ou jurisprudentielle de la secte, ni régime spécifique des mouvements catalogués (plutôt que qualifiés) comme sectes. L’état se détermine à connaître moins des sectes - sauf de celles qu'elle interdit positivement - que des « comportements sectaires » ou, plus exactement, des « dérives » sectaires, qui sont sous surveillance, à proportion qu’elles révèlent des assujettissements structurels préjudiciables aux individus et à la société. Sous ce rapport, la proposition attribuée à Mme Mignon, selon laquelle « les sectes sont un non-problème », malgré sa brutalité, n’est pas fausse. C’est un problème, évidemment, au sens sociologique, moral ou psychologique du terme, mais ça n’en est véritablement un pour l’Etat, en tant que tel, qu’autant que l’ordre public s’en trouve atteint d’une manière ou d’une autre. Indifférent par principe aux croyances, il l’est aussi à celles-là, si charlatanesques soient-elles.

 
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